Je me souviens d’une Sainte Cène au Val-de-Travers, dans les vieux murs en pierre de l’église de Môtiers. Nous étions dans le chœur de l’église, en cercle pour le pain et le vin. Un monsieur, mince, la 50taine, se détache du cercle et pose sur la table de communion une poignée d’amandes. Il venait de Syrie, il était hébergé dans le centre pour requérants du village voisin, il partageait ce qu’il avait emporté de son pays, dans la fuite. A partager ou à planter.

J’y ai vu la confiance en une communauté religieuse. J’ai compris qu’il partageait de sa richesse et de sa vulnérabilité. J’ai appris l’hospitalité.

Les Huguenots font partie de notre histoire de protestants. Après la révocation de l’édit de Nantes, ils ont, pour leur foi et leur vie, quitté situation, métier, terres et bien. Ils ont notamment trouvé asile à Genève, où ils ont participé à développer la culture maraîchère, apportant aussi des variétés inconnues ici, le chou frisé à pied court ou le cardon. C’est aussi à eux notamment que la Suisse doit l’horlogerie.

Certains parmi eux avaient tout perdu, à part leur foi.

Ruth est étrangère, Moabite, d’un peuple exclu de l’assemblée du Seigneur (Dt 4,4-5). Sa belle-famille déjà avait fui la famine pour un pays plus fertile ; Ruth à son tour devient réfugiée en Israël. Et pourtant, c’est elle qui figurera dans la lignée des ancêtres du Christ Jésus (Mth 1,5). Un réseau de solidarité entre femmes, du courage et de l’initiative ; une collaboration entre femmes et hommes ont porté leur part à l’avènement du Royaume.

Et si les réfugiés me tendaient simplement un miroir où je me vois moi-même ? Un miroir où je vois les conséquences de mes actes ? Mon désarroi, ma vulnérabilité et mes propres déracinements ? Mais aussi la résilience, l’engagement pour des valeurs, et la difficile, mais nécessaire ouverture ?