L’Évangile de Luc parle beaucoup de l’argent, souvent pour encourager le partage et la générosité. La parabole de l’intendant malhonnête (Luc 16, 1-8) s’inscrit dans ce contexte. Cet intendant, accusé de dilapider les biens de son maître, est licencié. Pour se préparer à l’avenir, il remet une partie des dettes des débiteurs, espérant leur reconnaissance. Surprise: Jésus loue son comportement non pour sa malhonnêteté, mais pour son habileté, sa capacité à agir « en homme avisé ».
Ce mot « avisé » renvoie à la sagesse pratique, au discernement, à l’intelligence spirituelle. Jésus montre que les « fils de ce monde » sont parfois plus habiles que les « fils de la lumière », c’est-à-dire les religieux trop sûrs d’eux. L’intendant est valorisé pour sa générosité et sa solidarité avec les pauvres face à la puissance économique et religieuse.
La remise des dettes est important dans ce récit : les créances étaient énormes, et leur allègement représente un acte de justice sociale. Jésus, qui critique souvent les riches, met en avant ici une redistribution libératrice. Cette logique de gratuité et de grâce rejoint le cœur de l’Évangile et du protestantisme : apprendre à « remettre les dettes », qu’elles soient matérielles ou morales, vivre de l’excès, comme Jésus l’a souvent dit et vécu (tendre l’autre joue, pardonner 7 x 70, donner ses biens aux pauvres, aller manger avec les rejetés de la société, accueillir l’hommage d’une prostituée, etc).
Le message est donc double : jamais cesser de dénoncer les systèmes injustes qui écrasent les plus faibles, et inviter à une générosité « avisée » qui libère et tisse des liens. Jésus bouscule les logiques économiques et religieuses pour ouvrir un chemin de grâce, de solidarité et de vie nouvelle. Jésus déroute, la grâce déborde, les liens entre les gens se tissent et c’est un peu cela notre christianisme. Soyons aussi « avisés » par l’Evangile.
Lectures bibliques : Luc 16, 1-8 (prédication), Matthieu 5, 38-41 et 10, 16