Le pain est la nourriture de base au Proche Orient. C’est la nourriture la plus simple. C’est ce qui nous empêche de mourir de faim. En fait, c’est le sens de ce que dit Jésus : je vous donne ce qui vous empêche de mourir. Je vous donne ma vie. C’est une nourriture que personne d’autre ne peut vous donner. Alors demandez, venez, mangez. Cela signifie : Ecoutez ma parole, méditez-là, digérez-là, partagez-là, faites-en la nourriture de base de la communauté. 
Priez aussi. Priez afin que je vous donne ce que je possède. L’image du pain dit que nous devons demander non pas à partir de nos envies, de nos convoitises, mais à partir de notre besoin, à partir de notre pauvreté. C’est souvent une raison pour laquelle nous ne sommes pas exaucés. Nous demandons à partir de nos convoitises et pas à partir de la pauvreté que l’Esprit révèle en nous. Quand nous mesurons notre pauvreté, alors nous sommes dans les bonnes dispositions pour demander à Dieu ce que nous n’avons pas.

Un malentendu et une calomnie
Les propos de Jésus ont été source de malentendus. Il y avait des rites religieux anthropophagiques à l’époque et on risquait d’assimiler les disciples de Jésus aux adeptes de ces rites bizarres. Nous avons des traces de ce malentendus dans des textes romains dans lesquels les chrétiens sont accusés de participer à un rite sanglant dans lequel ils disent manger la chair et boire le sang de quelqu’un. 

MANGER LE PAIN DANS LA BIBLE

Le pain est un symbole fort dans la bible, surtout à cause du passage de l’Exode où Dieu nourrit son peuple affamé en envoyant la manne du ciel (c’est le pain du ciel : préfiguration de Jésus).  Un pot de manne était d’ailleurs présent dans l’arche de l’alliance nous est-il dit.
La manne donnait l’espérance de passer la journée. Le pain du ciel qu’est le Christ donne la possibilité de se nourrir sur la terre du pain du ciel. C’est ce pain du ciel dont il est questiondans le Notre Père. Donne-nous aujourd’hui la manne du ciel dont nous avons besoin.

Ecoutons encore les propos de Jésus
« Or le pain aussi que moi je donnerai, c’est ma chair, que moi je donnerai pour la vie du monde » (Jn 6,51b). 

Le moment où Jésus va donner sa chair, c’est la croix. Manger sa chair et boire son sang, c’est reconnaître qu’à la croix, nous recevons ce que nous ne méritons pas, nous recevons ce que nous n’avons pas : la justice et le pardon. Manger sa chair et boire son sang, c’est nourrir notre conscience de la grâce de Dieu. La repentance, c’est cela : avoir faim de la grâce de Dieu. On se repent quand nous crions famine. On peut refuser de manger. Notre esprit peut se fermer à l’action de l’Esprit de Dieu. On peut devenir des anorexiques spirituels. C’est ce qui s’est passé. Le texte nous dit que quand Jésus parle, ses ennemis « maugréent ». Le verbe évoque le roucoulement de la colombe. Le même verbe est utilisé pour nous dire que les ouvriers de la première heure maugréent quand ils apprennent que le salaire versé au dernier est le même que le leur. C’est un refus de ce que dit Jésus.  D’ailleurs, c’est la seule fois dans l’évangile où on dit que des disciples quittent Jésus !

Autres paroles de Jésus

« Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle,
et moi, je le ressusciterai au dernier jour…
Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang demeure en moi et moi en lui » (Jean 6 :54-56).

Voilà comment le Seigneur désigne le croyant individuel qui se nourrit continuellement ou de façon répétée de lui et de sa mort et de sa vie : Il demeure en Lui. Méditer la parole, prier, nous permet de demeurer en Jésus. Quel est l’avantage de demeurer en Jésus ? Le soupçon du monde ne nous pénètre pas. La dérision du monde ne nous atteint pas. La calomnie du monde ne remet pas en cause notre foi en Jésus. Nous apprenons ici quelque chose de très important : La vie éternelle ne peut pas être séparée de sa source.  Nous ne l’avons pas indépendamment de Lui, mais la possédons seulement « dans son Fils » ; et « celui qui a le Fils a la vie » (1 Jean 5 :11, 12). La vie éternelle, c’est la vie avec Jésus. Mais cela signifie aussi que l’espérance de la vie éternelle que nous avons en Jésus-Christ doit être nourrie en permanence. Pourrions-nous nous contenter de l’avoir fait une seule fois ? L’image du pain désigne un processus permanent, quotidien. Par le fait de manger et de boire, nous devenons un avec lui et il devient un avec nous. La patrie de notre âme est en Christ et Christ voit en nous son habitation !

Jésus nous transmet-il des valeurs ?
On peut prendre l’image des batteries.  valeurs sont comme des batteries. Nous les utilisons et elles nous rendent de grands services. Mais si elles ne sont pas alimentées en énergie, elles deviennent inutiles. Une valeur, c’est une idée, un concept. Autrement dit, c’est un contenant, un récipient si on veut. Elles existent dans la plupart des cultures. Ce qui diffère est l’énergie qui les remplit. Le plus important dans la batterie, c’est son câble. Si on parle de valeurs chrétiennes, ce n’est pas parce que des valeurs seraient chrétiennes en soi. La plupart des valeurs ont existé avant l’ère chrétienne : le respect, la loyauté, l’amour, la liberté, la confiance…. Les valeurs sont des valeurs chrétiennes quand elles sont alimentées de la vie du Christ, de l’exemple du Christ, de l’Esprit du Christ. C’est très différent d’être attaché à des valeurs et d’être rattaché au Christ.

Les valeurs sont nourries par le Christ et son Esprit. Et du coup cela les modifie. On dit que l’on devient ce que l’on mange. De même que le flamand rose devient rose à cause des crevettes et autres crustacés qu’il ingurgite, de même le chrétien prend peu à peu la couleur du Christ quand il se nourrit de sa parole et de son Esprit.

Exemple : la valeur de l’amour, la mère de toutes les valeurs.
Si nous mangeons des propos de haine tous les jours, cela va finir par nous affecter. Les policiers qui ont enquêté sur les attentats terroristes ont souvent constaté qu’avant de passer à l’acte, les terroristes se nourrissaient de haine. Donc il nous faut manger de l’amour pour aimer. Mais quel amour. Tout le monde professe l’amour. On le voit dans toutes les cultures et dans beaucoup de religions. Mais quand notre Dieu donne lui-même l’exemple et l’énergie de l’amour, cela change tout : Aimez-vous…. Comme je vous ai aimés ! Il en va de même pour le respect, le don, la liberté, la confiance… Si le Christ les nourrit, elles deviennent chrétiennes. Sinon elles restent souvent humaines et charnelles.

Bernard de Clairvaux, un moine du XIIe siècle marqué par l’image du Christ comme pain de vie, décrit ce pain du Ciel comme un pain qui nourrit notre cœur et qui le guérit. Il écrit : « Car notre cœur a besoin de recevoir pour apprendre à donner, notre cœur a besoin d’être rassasié pour apprendre à faire confiance et il a besoin d’être aimé pour apprendre à aimer. »