La Bible pose la question du bonheur, elle est concernée par cette aspiration générale de l’humanité, notamment dans le psaume 4 : « Qui nous fera voir le bonheur ? » Le Psaume pose la question mais il répond aussitôt : « Seigneur que sur nous s’illumine ton visage. Tu as mis plus de joie dans mon cœur que toutes les vendanges et les moissons. » Le texte de l’Evangile avec le récit de la Transfiguration (Mt 17, 1-9) donne précisément à voir Jésus non plus dans son humanité seulement, mais dans sa divinité également. La contemplation de Dieu face à face en Jésus Christ c’est la béatitude éternelle. 

Un autre psaume, le 37, dit : « Fais du Seigneur tes délices, et il te donnera ce que ton cœur désire. » Mais comment recevoir le bonheur, en faisant du Seigneur nos délices ? C’est quoi nos délices ? C’est Dieu lui-même : notre bonheur est en lui : il en est la nature et l’accomplissement. Nous avons tendance à vouloir faire entrer Dieu dans notre désir, mais c’est bien l’inverse qui procure le bonheur, à savoir d’accorder notre désir à celui de Dieu. Faire de Dieu notre délice : cette perspective change aussi notre rapport à notre prière. En accordant mon désir à celui de Dieu j’arrête de croire que Dieu ne m’a pas exaucé, mais je commence à apprendre à voir comment/en quoi il m’a exaucé. Viser mon bonheur, c’est certainement manquer Dieu. C’est Dieu qu’il faut viser pour recevoir le bonheur. Dieu connait mieux que moi quel est le vrai bien pour moi. Il sait mieux que moi ce qui me rendra vraiment heureux, pas seulement pour cette vie, mais dans la perspective de l’éternité. Si nous concevons une vie uniquement limitée à cette terre, alors il n’y a rien à espérer d’autre qu’un bonheur terrestre. Mais si nous croyons à la résurrection comme la foi chrétienne le proclame, alors il y a un bonheur supérieur à tout le reste qui nous est promis, et ce bonheur c’est la contemplation de la gloire de Dieu dont un aperçu a été donné sur le mont Tabor lors de l’épisode de la transfiguration.  Ce qui nous est proposé aujourd’hui, ce n’est rien moins qu’une conversion. C’est le temps du carême : et le carême c’est un temps pour nous convertir. Conversion de notre désir : non plus Dieu pour notre désir, mais notre désir pour Dieu. Conversion de notre désir : le bonheur n’est pas le but de la vie spirituelle ou de la prière, le but c’est Dieu qui lui me donnera le bonheur. Mettre Dieu au centre, mettre mon bonheur en Dieu… dans le texte du psaume le verbe est à l’impératif. Cela veut dire que c’est une décision que je dois prendre, un acte de ma volonté. C’est moi qui dois faire de Dieu mes délices. 

Mets tes délices dans le Seigneur ! et Saint Bernard de Clairvaux de commenter : « oui, tes forces, tes efforts, rassembles-les et dirige-les de manière à mettre tes délices [ton bonheur] dans le Seigneur, et il t’accordera les désirs de ton cœur. » 

Textes du jour : Psaume 4 / Genèse 12, 1-4 / Matthieu 17, 1-9